Les défis de la prévention de la noyade :
Comment définir une surveillance efficace ?
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Il est reconnu que la prévention des noyades passe principalement par une surveillance efficace, cependant comment peut-on la qualifier en terme d'enjeux et en définir ce qui la compose.
Que dit la règlementation en la matière ? Quelles sont les problématiques auxquelles sont confrontés les exploitants, les BNSSA et les maîtres-nageurs dans leur quotidien professionnel ?
Quelles solutions envisager pour améliorer la surveillance des établissements de bain et des plans d’eau pour mener à bien la mission de service publique qu’est la prévention de la noyade ?
Peut-on s'appuyer sur des pratiques venant de l'étranger ou intégrer les nouvelles technologies pour en améliorer l'efficacité ?
1. La surveillance des établissements de bain et des plans d’eau :
1.1 Une obligation légale :
Dans un article disponible en téléchargement nous avions déjà évoqué les obligations légales liées à la surveillance d’un établissement de bain ou d’une baignade aménagée.
Brièvement, la surveillance des lieux de baignades est fonction du type de baignade.
Lorsqu’il s’agit d’une baignade d’accès gratuit, le texte de référence pour son exploitation est celui de l'art322.11 du code du sport qui mentionne l'obligation de surveillance par du personnel qualifié portant le titre de maitre-nageur sauveteur ou le diplôme du BNSSA. Il n'existe pas d'effectif minimum pour la surveillance de ces sites. Toutefois, un arrêté ministériel du 5 juin 1974 relatif à l'emploi des C.R.S, donne un élément de repère en conseillant 1 surveillant pour 500m² de plage, et 2 pour 800m²de plage linéaire.
Lorsqu’il s’agit d’une piscine ou d’un plan d’eau d’accès payant, l'art. L.322-7 du code du sport prévoit que « toute baignade et piscine d'accès payant doit, pendant les heures d'ouverture au public, être surveillée d'une façon constante par du personnel qualifié titulaire d'un diplôme délivré par l'État et défini par voie réglementaire ».
La surveillance doit être assurée par des personnes titulaires du titre de maître-nageur c’est à dire BEESAN, BPJEPS AAN ou MNS ou tout autre diplôme comme certains diplômes universitaires lui conférant le titre de maître-nageur. Les BNSSA peuvent aussi, avec une dérogation, surveiller ce type de baignade.
L'article D.322-16 du code du sport prévoit par ailleurs un POSS dont nous avions fait un article . Il définit l’organisation de la surveillance et des secours .
Les piscines privatives à usage collectif (hôtels, villages vacances etc..) ne sont pas assujetties à l’obligation de surveillance si elles réservent l’accès de leur piscine à leur clientèle propre. Néanmoins selon l’avis n°353-358 rendu le 26 janvier 1993 par le Conseil d’Etat, « lorsqu'elles constituent des établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives, les piscines ou baignades des hôtels, camping et villages de vacances doivent, en application des articles L.322-1, L.322-2 et L.322-3 du code du sport, présenter des garanties de sécurité définies par voie réglementaire ».
Ainsi, si les établissements hôteliers prévoient l’enseignement de la natation, des cours d’aquagym ou tout autre activité aquatique encadré, ils devront satisfaire aux obligations de surveillance (articles L.322-7 et 322-11 du code du sport). Elles devront obligatoirement employer un titulaire d’un diplôme conférant le titre de maitre-nageur pour ces activités.
1.2 La qualité de la surveillance :
Qu’est-ce qu’une bonne surveillance ?
références disponibles en téléchargement
Le Législateur a prévu de définir par des textes la qualité de cette surveillance et le régime de responsabilité en cas de faute. La surveillance doit être constante, exclusive et vigilante, active et s’assurer avec autorité. Les secours doivent être mis en œuvre rapidement, sans délais possible et efficacement.
Les exploitants et les personnels chargés de la surveillance engagent durant leur travail leur responsabilité pénale et civile. Cependant la notion principalement retenue est celle de la faute. C’est ainsi que sera départagé la responsabilité des acteurs en présence lors d’un accident.
« La responsabilité pénale des exploitants et de leurs préposés est allégée : ne sont pénalement responsables que ceux ayant commis une faute délibérée ou caractérisée. Ils peuvent s'exonérer de leur responsabilité civile en établissant une cause étrangère (force majeure, faute de la victime, fait d'un tiers). » références disponibles en téléchargement
L'article L 322-7 du code du sport stipule que « toute baignade et piscine d'accès payant doit, pendant les heures d'ouverture au public, être surveillée de façon constante par du personnel qualifié titulaire d'un diplôme délivré par l'État et défini par voie réglementaire ».
Ainsi peut être condamné un surveillant sauveteur ou un maitre-nageur qui s’absente pendant les heures où il est prévu sur son poste.
En outre, le Législateur prévoit par la circulaire du 20 mai 1966 que « le maitre nageur sauveteur ne peut, durant son service de surveillance, assumer une autre fonction (leçon de natation…)». La surveillance ne peut être cumulée avec une autre activité professionnelle.
Deux attitudes notamment, sont sanctionnées par la loi. Le manque d’attention menant à un défaut de surveillance 1 et le manque d’autorité du surveillant en matière de respect du règlement intérieur sont à l’origine d’une jurisprudence importante.
2- Complexité et problématiques de la surveillance :
2.1 Des facteurs d’efficacité nombreux pour une problématique simple :
La surveillance des bassins ou d’un plan d’eau est une activité professionnelle qui demande une attention constante. On peut globalement dégager plusieurs facteurs d’efficience d’une surveillance :
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Un facteur humain : les facteurs limitants une bonne surveillance sont liés aux personnes présentes sur le bassin et plus particulièrement aux MNS
Ainsi la chaleur, le bruit, la température et l’humidité sont des facteurs qui influent sur la qualité de la surveillance. On peut citer également: Le cadre d’emploi, le rythme de travail. La connaissance ou la méconnaissance du POSS, les tâches répétitives, méconnaissances ou l'ignorance volontaire des limites physiologiques des travailleurs comme le nombre d’heures consécutives prévues en surveillance. 3
La représentation des MNS sur la mission de surveillance : une fiche de poste pas toujours suffisamment détaillée pour permettre au MNS de savoir si le travail fourni correspond aux attentes de son employeur, un manque de mise à disposition de matériels (chaises hautes aux normes, matériel de secours adéquat et fonctionnel). références disponibles en téléchargement
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Un facteur institutionnel représenté par le Législateur : la Loi et le système juridique entraîne des problématiques spécifiques liées à la surveillance d’un bassin
On peut regretter que la loi portant sur le POSS ne soit pas coercitive au moins sur certains critères, comme le nombre de MNS par surface de plan d’eau par exemple. Sur ce point en particulier, l'art L322-7 du Code du Sport précise que « toute baignade d'accès payant doit, pendant les heures d'ouvertures au public être surveillée de façon constante ». Les exploitants sont seuls décideurs de l’effectif qu’ils jugent efficient. Cependant en cas d’accident, le juge peut évaluer la pertinence de l'effectif préposé à la surveillance. On pourra citer les cas de jurisprudence suivants : Cour administrative d'Appel de Nantes, 30 juin 2000, Cour d'Appel de Pau du 11 février 1992, Réponse Ministérielle N° 50093 du 14 août 2000. références disponibles en téléchargement
Cette observation sur le POSS est symptomatique d’un système complexe, mais dont la problématique est simple : assurer la sécurité des biens et des personnes dans l’établissement de bain.
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Un facteur de qualité de la formation initiale : la multiplicité des formations au métier de maître-nageur et les systèmes de formations ont des conséquences sur la qualité du travail produit par les maîtres-nageurs dans établissements où ils sont employés
En matière de formation des maitre-nageur, la diversité des diplômes (filière universitaire, diplômes jeunesse et sport, diplômes fédéraux, diplôme du Ministère de l’Intérieur) dont les contenus ne sont pas décidés de concert par les organismes de formation responsables, rendent l’harmonisation des programmes de formations complexes. Qu’on mette en perspective une Licence 3 STAPS mention entraînement sportif, avec un Brevet Professionnel AAN ou d’un BNSSA et l’on comprend aisément que les détenteurs de ces diplômes n’ont suivi ni le même cursus, ni la même certification. Sans évaluer les diplômes, on peut regretter des contenus de formation et des exigences de fin d’études assez différents. Pour les employeurs, comme pour les MNS, la qualité de la surveillance et de l’enseignement produits peut être différentes selon les cursus.
Si la multiplicité des voies pour exercer le métier de maitre-nageur est une force, l’harmonisation des compétences seraient une force supplémentaire qui accroitrait grandement l’efficacité des opérateurs dans leur mission.
2.2 Des pistes de réflexion
Plusieurs pistes de réflexion sont possibles pour optimiser la surveillance dans un établissement de bain. Elles sont notamment préconisées dans l’ouvrage de Pascal Lebihain et Elie Vignac « Surveillance des piscines publiques » Revue Jurisport Hors-série Mai 2014- Edition : Juris édition Dalloz.
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La prévention des noyades grâce aux systèmes type Poséidon. Ce dispositif de vidéo surveillance permet de détecter des mouvements des baigneurs et de prévenir les MNS en place d’une noyade en cours.
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Une organisation du personnel en fonction de la fréquentation : variation du nombre de surveillants en fonction de la fréquentation journalière par exemple, ou encore une variation de la procédure de secours en fonction de la fréquentation.
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Outils de modélisation 3D lors de la phase de construction du site pour intégrer les paramètres de surveillance avant conception et livraison d’un établissement de bain.
3- D'autres approches en matière de surveillance
3.1 A l'étranger
L’objet de ce chapitre est de décrire une organisation de la surveillance au Canada et en Belgique au travers d’un exemple concret : la surveillance en fonction de l’affluence.
L’intérêt de ces deux exemples tient d’une part dans la proximité géographique, l’usage de la langue française, un système de répartition des responsabilités plus ou moins équivalent et un niveau socio-économique similaire. Savoir ce qui se fait ailleurs est intéressant dans la mesure où il n’est pas un modèle mais soulève des problématiques et des solutions intéressantes pour optimiser la surveillance des piscines et des lieux de baignades en France. Par ailleurs on peut se demander dans quelles mesures certaines de ces idées d’organisation seraient viables en France.
En se limitant à l’organisation de la surveillance, on occulte volontairement le système de formation des maître-nageurs, sans quoi l’article serait très volumineux.
Organisation au Canada :
Une organisation de la surveillance en fonction d’un ratio tenant compte du nombre de m² de plan d’eau à surveiller, du nombre de baigneurs et du nombre de surveillants sauveteurs présents. Ainsi, pour une piscine intérieure d’au moins 150m² de plan d’eau, le nombre de surveillants sauveteurs (équivalents au BNSSA en France, sauf qu’il peut exercer dès l’âge de 16 ans) est de 1 sauveteur + 1 assistant sauveteur entre 0 et 200 baigneurs présents dans l’eau et sur les plages ; et ce nombre varie jusqu’à 3 sauveteurs + 3 assistants sauveteurs par exemple en cas d’affluence pour un chiffre de 500 baigneurs dans ou hors de l’eau.
Organisation en Belgique :
Comme en France, l’exploitant est libre de décider du nombre de surveillants sauveteurs nécessaires pour garantir la sécurité des biens et des personnes de son établissement de bain. L’organisation des secours est soumise au dépôt d’un document similaire au POSS français et il est fait mention d’un ratio surveillants sauteurs/baigneurs/m² de plan d’eau. Néanmoins l’exploitant reste seul décideur quant au nombre de surveillants nécessaires en fonction du ratio en question. références disponibles en téléchargement
Choisissant un exemple concret on peut constater que la vision de ces deux pays en matière de gestion du risque de la noyade ne se concentre pas sur l’établissement d’une FMI fixe, mais bien sur une adaptation du nombre de surveillants en fonction de l’affluence journalière. Sachant que leurs diplômes sont de contenus sensiblement identiques aux nôtres, on pourrait se poser la question de savoir si il serait possible, viable ou intéressant en France de moduler les plannings des MNS ou BNSSA présents en piscine en fonction de l’effectif total du public présent sur site? Est-ce déjà fait ? Sur quelle période ? Sur la journée, sur une saison ? Quel serait l’optimum en la matière tant du point de vue de la gestion de personnel que de la gestion du risque ?
3.2 Le système Poséidon, une solution ?
Utilisé depuis quelques années dans certaines piscines en France et notamment à la piscine d’Antigone à Montpellier, le système Poséidon est un système de vidéo surveillance visant à détecter une noyade en cours et alerter les surveillants sauveteurs et les MNS en place autour du bassin.
Le système fonctionne grâce à des caméras fixées autour et dans le bassin à surveiller. L’ensemble des données collectées lors de la surveillance vidéo sont traitées par un logiciel. Celui ci analyse les mouvements des nageurs ainsi que leur comportement dans l’eau. Cependant, le système a encore du mal à prendre en compte l’interface air/ eau. La surface de l’eau n’est donc pas toujours comprise par le logiciel. Principale conséquence : un nageur immobile et debout dans le petit bain dont seule la tête dépasserait de la surface cause une alerte. De même un nageur qui ferait la planche de manière prolongée serait vu comme un motif d’alerte.
Néanmoins, des réglages ainsi qu’un bon logiciel de reconnaissance permettent à ce type de matériel de se rendre très utile. Le coût de l’équipement par système Poséidon est évalué à 1 à 2% du coût total de l’équipement.
La fiabilité de ce genre de dispositif est excellente, puisqu’il a déjà permis de sauver des vies. Depuis 2006, le système Poséidon a été à l’origine de plusieures interventions en France sur des adultes principalement. Avec notamment une intervention sur un jeune homme en 2010, victime d’une crise d’épilepsie le long de la paroi du bassin, dans la partie la plus profonde, et sous un angle mort. références disponibles en téléchargement
Une surveillance exclusive par système de vidéo surveillance est à exclure car le maitre-nageur est indispensable pour faire la part des fausses alertes et des vrais accidents. Il est une aide précieuse et parfois nécessaire selon la configuration des établissements de bain.
4. Conclusion et perspectives
La problématique de la surveillance d’un plan d’eau ou d’une piscine est relativement simple à énoncer.
Non seulement c’est une obligation légale, bien détaillée par la loi. Le législateur, conscient de la dangerosité des baignades entend de la sorte, protéger les personnes.
Cependant une bonne surveillance peut être difficile à mettre en œuvre tant les facteurs de variation de qualité de celle-ci sont importants. Les facteurs humains mettent à rude épreuve la capacité de concentration des maîtres nageurs. Les facteurs environnementaux comme l’architecture des établissements de bains rendent la surveillance difficile. Toute la question de la qualité de la surveillance des piscines et des plans d’eau prend de l’ampleur dès lors qu’on considère la variété des sites de baignade. Des procédures de secours existent et sont parfois obligatoires, mais les noyades restent encore d’actualité chaque année en France.
Au Canada et en Belgique, on se tourne résolument vers une organisation différente de la surveillance, notamment en modulant le nombre de maître-nageur selon la fréquentation du site.
Le recours à des systèmes de vidéo surveillance est aussi une piste explorée par les exploitants pour réduire le risque et intervenir au plus tôt face à un accident.
La réponse à la question d’une surveillance efficace pourrait venir d'une véritable réflexion sur la notion de surveillance adaptée comme préconisées par les auteurs E. Vignac et P. Lebihain dans leur ouvrage « surveillance des piscines publiques » aux éditions Juris édition Dalloz.
Adapter un établissement de bain avant sa construction en y incluant la notion de surveillance, adapter la surveillance des baigneurs en fonction de leur nombre par m² de plan d’eau, adapter le POSS au nombre de surveillants en place au bassin, mettre en place une surveillance robotisée sur un système de secours entièrement assuré par des MNS. Serait ce là la solution ?
Enfin, quelles solutions concrètes peut-on mettre en place pour être au service de la sécurité des biens et des personnes, doit-on légiférer plus, plus durement ou plus précisément sur la surveillance en piscine ?